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jeudi 15 novembre 2007

Paracha Vayétsé : Le rayonnement du juste

"Vayétsé Yaakov mibéer Chava, vayélèkh 'Haranah". Jacob sortit de Beer-Cheva et il alla à 'Haran" (Gen 28,10)

Il aurait été suffisant de dire : "Et Jacob alla à 'Haran", à quoi bon nous parler de son départ et de sa sortie de Beer-Cheva ? Bien des leçons ont été tirées de ce verset...

Pour le Beth Halévi, lorsqu'un homme quitte sa ville pour s'installer ailleurs ou bien lorsqu’il abandonne une position sociale pour une autre, il arrive que le désir profond du changement tienne au fait qu'il ne peut plus supporter sa condition présente. L'aspiration d'un tel homme est de tourner le dos à la vie qu’il mène présentement même si sa nouvelle situation ne lui apporte pas de satisfaction et ne suscite pas son enthousiasme. Il peut également arriver le contraire : la perspective du changement et d'une nouvelle carrière donne des ailes à l'homme et lui procure une grande joie, même s’il éprouve quelques regrets de devoir quitter sa vie présente.


En quittant Béersheva, Jacob est heureux d’obéir à sa mère Rivka et d’éloigner la menace d'être tué par son frère. Ce départ de Beersheba est aussi en soi une source de contentement, car en se rendant à 'Haran, Jacob réalise aussi les désirs de son père, de le voir prendre femme parmi les filles de sa famille.

Jacob est heureux, comme tout homme aimerait toujours l'être chaque fois qu’il se trouve à la croisée de chemins, chaque fois qu'un choix s'offre à lui : avoir la possibilité d’opter pour une solution, sans regrets pour la situation antérieure.

Cheminement du Juste

Rachi voit dans la phrase "Et Jacob sortit de Beersheva, et il alla à 'Haran", un tout autre sujet de préoccupation: "A quoi bon nous parler de son départ ? C'est pour nous dire que le départ d'un "juste" fait impression dans la ville. Tant que le juste est dans la ville, c'est lui qui est sa beauté, c'est lui qui est son éclat, c’est lui qui est sa majesté. Une fois qu'il en est sorti, elle s'en est allée sa beauté, il s'en est allé son éclat, elle s'en est allée sa majesté.

La présence d'une haute personnalité du monde de la politique ou des arts, rehausse souvent l'éclat et l'importance d'une cérémonie. La publicité utilise souvent ce procédé pour promouvoir un produit: une tête connue et célèbre donne au produit présenté une auréole qu'il ne possède pas de par ses propres vertus.

Pour l’auteur du Zikhron Mair, les trois termes employés par Rachi ne sont pas fortuits: la beauté, l'éclat et la majesté d’une communauté résident dans l’étude de la Torah, dans la sagesse qui illumine les visages et dans le respect qui se dégage de la réalisation des commandements divins.

Le Tsadiq, le juste, dans une communauté est une véritable locomotive. Par son engagement dans la voie de la Torah, par son enthousiasme et son rayonnement, le juste entraîne dans son sillage tout son entourage. C’est ainsi qu’Abraham a changé la face du monde: sa doctrine continue de faire son chemin dans le cœur de l'homme et au sein de l'humanité, longtemps encore après sa disparition.

Autre explication: Jacob se trouve devant un dilemme. Sa famille et le foyer familial représentent la sécurité matérielle et morale. Tant qu'il est auprès de ses parents, il ne pense qu'à ses études. Grâce à l’influence d'Abraham et d’Isaac, Beersheva est déjà une ville où existe la possibilité de vivre une « vie juive ». C'est tout ce milieu et cette ambiance qu’il doit quitter et abandonner, pour obéir à son père et accéder à son désir. Ce fait mérite d'être souligné, surtout dans la mesure où il se rend dans un milieu dépravé, dans une ville idolâtre et dont la civilisation attrayante risque de tenter le jeune Jacob. En disant: "Jacob sortit de Beer-Cheva et s’en alla à 'Haran", il faut comprendre : Jacob n’est pas parti tout seul comme un orphelin. Il était accompagné de tout l’éclat et de toute la solidité de l‘éducation reçue, des principes acquis sur les bancs de la Yechiva de Chem et Ever, qui sont devenus autant d'armes entre ses mains pour l'aider dans sa lutte pour se refaire une place au soleil dans son nouveau lieu de résidence. Obligé de changer de cadre de vie, il n'en changeait pas pour autant la nature de sa vie. C'est cette attitude qui a toujours été offerte en exemple aux enfants d’Israël dans leurs tribulations et au milieu de leurs vicissitudes : demeurer fidèle à son identité malgré la capacité d’intégration dans le milieu ambiant, en conservant un lien solide entre le passé et le futur et se souvenir de la promesse divine.

Grand Rabbin Jacques Ouaknin

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