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mercredi 3 octobre 2007

Paracha Béréchit : l'age de l'univers

Nos enfants sont troublés par les contradictions entre les leçons du professeur de sciences et les affirmations de leur maître au Talmud Torah. L'un affirme que la terre a des millions d’années, l’autre, s’en tenant à la Tradition qui assigne au monde 5768 années. L’esprit de l'enfant est d'une logique implacable: il faut bien que l'un des deux ait raison, mais lequel?

Le problème de l'âge de la terre n’est pas nouveau. La plupart des savants sont d’accord que la terre a des millions d'années. Cette estimation a été obtenue par différentes méthodes basées sur la radioactivité, l'érosion des rivages marins, les météorites... Mais, même si aucune théorie scientifique n’est jamais définitive, ni érigée en absolu, chaque découverte recèle une part de vérité. (Kramer, Hamoré, No 23).

La Torah et la science

Les affirmations des savants, sont-elles vraiment en contradiction avec l'enseignement de la Torah ? On pourrait donner l’explication suivante qui ne résout certes pas tous les problèmes, mais qui peut néanmoins apaiser certains esprits. Cette solution consiste à dire que D.ieu a créé le monde à l'état adulte. En effet, si un reporter-photographe s’était présenté cinq minutes après la création du monde et avait pris une photo du premier homme, qu’aurait-il vu sur son cliché ? Un bébé en train de siroter son biberon ! Non, un homme mûr de quarante ans. Or, en réalité, cet homme n’est âgé que de cinq minutes. De même, si une mission scientifique s’était présentée au même moment que le photographe, elle aurait déclaré que tel arbre a 150 ans d’âge, et telle roche, des millions d’années. Les hommes de sciences, sûrs de leurs méthodes d'investigation, auraient raison d’affirmer, que la terre a tant de millions d’années, alors qu’en réalité, elle vient à peine d'être créée. La science se base d’après l'apparence, et tout son effort porte sur la matière existante, tandis que la Torah révélée, se base sur la réalité des faits, tels qu'ils se sont déroulés.

En fait, les choses ne sont pas si simples.Tout d'abord, lorsqu'on dit: le monde a été créé il y a 5768 ans, à quel moment de la Création se réfère-t-on? A la naissance d'Adam ? Or, les six jours de la création ont précédé la formation du premier homme.

Nous ne dirons pas que ces six jours représentent des ères géologiques pour faire coïncider la Torah avec la science. En effet, le problème se situe à un autre niveau. Rachi affirme péremptoirement dans son commentaire sur le premier mot de la Torah: "Si c'était comme tu le dis, que la Torah donne l'ordre de la Création, tu devrais être toi-même étonné. Les eaux ont existé avant la terre mais on ne nous dit pas quand les eaux ont été créées ! Tu es donc obligé d'admettre que la Torah ne veut pas nous enseigner l'ordre de ce qui a été créé avant et de ce qui a été créé après (Rachi traduit par le Grand Rabbin Salzer).

Nous n'irons pas non plus jusqu'à taxer toutes les théories scientifiques d'élucubrations sans fondements. Certes, certaines théories nécessitent des aménagements, des restrictions, des précisions. Il arrive aussi que des théories scientifiques soient supplantées par d'autres, et que dans ce domaine de recherche, il n’existe aucune certitude définitive. Notre préoccupation des origines du monde ne pose problème qu'en raison de notre approche du texte de la Torah, texte d'une simplicité étonnante qui recouvre le mystère le plus total.

Et la lumière fut

Autre interrogation : Quelle est la nature de la lumière du premier jour qui fut immédiatement cachée et réservée pour les justes dans la vie future ? Pour le Hassidisme, la lumière est le but de tout Juif, celui de transformer son environnement en changeant en clarté le mal symbolisé par les ténèbres, en s’engageant positivement dans le bien. Nous voyons donc que les préoccupations de la Torah sont toutes autres que celles de la science. La Torah donne du sens. Quand la Torah parle d’Abraham, d'Isaac ou de Jacob, elle ne dit pas s'ils avaient une barbe, s’ils étaient grands ou petits... parce que ces détails n'ont aucune importance pour le récit et pour la finalité de l'histoire. Par contre, la Torah insiste sur la beauté de Joseph, dont les conséquences ne tarderont pas à se faire sentir dans la suite de l'histoire du peuple d’Israël. Il semble que la Torah réponde davantage au "pourquoi" des choses, et non au comment des choses. Le comment des choses est l’objet de la science, une préoccupation d'ordre descriptif et statistique, alors que le "pourquoi ", c'est à dire sa finalité, est l'objet essentiel de la révélation de la Torah. C'est peut-être pour cette raison que la Torah commence par la lettre Beth, fermée au-dessus, derrière et en dessous, comme pour dire à l’homme de ne pas se perdre dans des considérations concernant ce qui est en haut (dans le ciel), derrière (les origines de la terre) et en bas (ce qui constitue les abîmes). Un point est certain: le texte de la Genèse, Maassé Beréchith, ne peut en aucun cas livrer son secret après une simple lecture du texte. Rachi lui-même dit que la Torah aurait dû commencer au chapitre 12 de Chemoth car la Torah est un enseignement, un ensemble de règles régissant la vie du juif.

Pourquoi avoir commencé la Torah par le récit de la création ? Pour révéler à Israël et au monde cette vérité fondamentale: D.ieu est le créateur et le maître de tout l'univers. L'histoire n’est pas le fruit du hasard. Ceci dit, la Torah n'en demeure pas moins le Livre de la Vérité divine. Encore faut-il être capable de déchiffrer le message divin quant à la réalité physique de l'univers.

Grand Rabbin Jacques Ouaknin

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