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mercredi 2 février 2011

Paracha Terouma : une offrande pour D.ieu

"L'Eternel parla à Moïse en disant : Parle aux Enfants d’Israël, qu'ils prennent pour moi un prélèvement" Exode 25,1. La difficulté de ce passage ne réside pas seulement dans l'idée elle-même d'un prélèvement mais également dans les termes employés. En effet, si la terre et le ciel et tout ce qu'ils renferment appartiennent à D.ieu, sur quel bien propre, l'homme peut-il opérer un prélèvement pour l’Eternel ? Le Roi David disait : "Car tout vient de Toi et ce qui vient de Ta main, nous Te le donnons" 1 Chron.29,14. Cette idée est mise en évidence par les termes employés dans la Paracha : "Veyiq'hou li" "qu'ils prennent pour moi", au lieu d’une expression plus courante "Veyitnou li", "et qu'ils me donnent, et qu'ils m'offrent"...

Certains de nos sages expliquent qu'en la matière, l’homme est effectivement dans l'impossibilité d’offrir quoi que ce soit à l'Eternel, puisque rien ne lui appartient en propre. La seule chose qui lui appartienne c’est l'intention qui accompagne son geste, la volonté d’être agréable à l'Eternel.

Gardons-nous d’une déduction hâtive que n'hésitent pas à faire beaucoup de nos coreligionnaires, suivant en cela un adage talmudique "D.ieu ne demande que le cœur" ou en d'autres termes "l'intention vaut l'action".

L’intention vaut-elle l’action ?

L'intention vaut effectivement l'action lorsque l'homme, empêché d'accomplir une action, a fait l'effort de l'entreprendre. Par contre, une simple intention, sans aucune tentative de réalisation, n'est d'aucune valeur. Exemple: j’ai envie de me rendre à la synagogue pour la prière du matin. A mi-chemin, un camion renversé bloque entièrement la circulation. Malgré mon désir de me rendre à la synagogue je ne peux y arriver. Dans ce cas, mon intention compte comme une action car seule une circonstance indépendante de ma volonté m’a empêché de réaliser mon action.

"Veyiqhou li". L’expression demeure difficile à comprendre. Que signifie « qu’ils prennent pour moi une offrande ? » D.ieu a-t-Il besoin de cadeaux ? Rachi traduit «li » par lichmi, pour moi, veut dire pour Mon Nom, pour la glorification de mon Nom. Cette idée constitue le fondement de toute la Création. « Tout ce qui est appelé de Mon Nom, c’est pour Ma gloire que je l'ai créé, formé et organisé » Isaie 43,7. Depuis la plus petite des créatures jusqu'aux phénomènes les plus impressionnants, tout a été créé pour la gloire de D.ieu.

Ben Ich 'Hai voit dans le mot Li de Veyiqhou, l’illustration d’une autre idée. Li est en effet composé de deux lettres, Lamed, la plus grande des lettres, la seule qui dépasse vers le haut l’alignement des lettres et le Yod, la plus petite des lettres que l'on peut à la limite confondre avec un point. Li est donc un symbole pour l’homme. Si l’homme recherche véritablement D.ieu, il peut le découvrir à travers toutes ses oeuvres, dans les plus petites créatures comme dans les phénomènes les plus grands. Toute la création se veut un hymne à la gloire de l’Eternel. On peut traduire ce concept fondamental en disant que rien n'existe pour soi-même. Tout est situé dans la dimension du sacré, toute la Création porte le sceau du divin.

Le sceau de D.ieu

La création du monde s’achève sur le septième jour. Or le septième jour, le Chabbath, symbole de la création, est également celui de la rédemption, de la libération. Par notre activité durant les six jours, nous participons au déroulement de l'histoire. Par la sanctification du Chabbath, nous prenons conscience des actes qui surpassent, ennoblissent et rachètent l’histoire. Le judaïsme véritable affirme le monde sans lui être asservi, prend part à la civilisation mais la transcende, conquiert l'espace mais sanctifie le temps. Or, le Chabbath est directement lié à l'Eternel : Chabbath Lachèm.

La Terouma, le prélèvement est donc une mise à part "d'une partie des biens de l'homme" pour le Nom de l'Eternel, c’est à dire pour sa gloire.

Une explication hassidique assimile Li à oti. D.ieu attend des hommes « qu’ils Me prennent » et non pas « qu’ils prennent en mon honneur ». Ce que D.ieu attend de l’homme, ce n’est pas un prélèvement sur la récolte mais que l’homme fasse entrer D.ieu lui-même dans sa vie. Si chacun sent la présence divine dans sa vie de manière familière, si la lumière divine illumine tous ses instants, alors il a réalisé toutes les aspirations d’un être vivant sur terre. L’Eternel nous demande de l’aimer d’un amour total, un amour de tous les instants, pour notre bonheur et pour l’éternité de notre âme. Toute notre être intérieur doit être illuminé par la Présence divine. Voilà le véritable sens de « qu’ils me prennent ».

Grand Rabbin Jacques Ouaknin

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