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mercredi 12 janvier 2011

Paracha Bechala'h : pédagogie

" Eduque l’enfant selon sa voie, et ainsi, même devenu adulte, il ne s'en écartera point". Proverbes 22,6 « Hanokh lanaar al pi darko, gam ki yazkine, lo yassour miménah ».

Ce principe fondamental de toute éducation peut s’expliquer par la signification réelle du mot "Hanokh", de la même racine que Hanoukah. D'après la Torah, l'éducation recouvre l’idée d'inauguration, une espèce d'"accouchement" des qualités existant en puissance chez l’enfant, la mise au jour de forces enfouies dans le cœur et l'esprit de l'enfant. L'éducation et la pédagogie s'opposent à l'idée reçue d’une violation de la conscience de l’enfant en lui imposant une discipline, un comportement ou une connaissance.

Histoire de Pessah

Dans un village frontalier, quelque part en Pologne, vivait un Tsadiq. Le gouverneur de la ville, jaloux de l'autorité dont jouissait le Rabbi auprès de ses Hassidim convoqua un jour le saint homme et lui dit: « Je vais te montrer la suprématie de mon autorité sur la tienne. Toi, tu commandes un petit nombre de juifs, moi, je peux me faire obéir par toute la population de la région. »

Interrompant la conversation, le Rabbi sourit et donna ordre à ses disciples de lui apporter sur l'heure un paquet de tabac. Sous l’œil médusé du gouverneur, les disciples revinrent avec le paquet de tabac absolument interdit. A présent, dit le Rabbi à ses disciples, je veux du pain juif. Or, on était à la veille de Pessah et tous les juifs s'étaient déjà débarrassés de leur Hametz. Une heure plus tard, les hommes revinrent tremblants et en pleurs : Saint Rabbi, impossible de trouver la moindre miette de pain juif. Tous, sans exception, ont fait disparaître jusqu’à la dernière miette de pain.

Le Rabbi dit au gouverneur: jugez vous-même de quel côté se trouve l’autorité ! L’interdiction du pain la veille de Pessa'h date de près de 30 siècles et les juifs s'y conforment scrupuleusement. Personne ne les y contraint. Quant à vous, malgré votre armée et votre police, malgré les sanctions et la prison, vous n'avez pas réussi à vous faire obéir ne serait-ce qu’une semaine. La preuve, le tabac absolument prohibé !!

Cette histoire hassidique illustre l'importance de la libre adhésion à des principes. L'Eternel lui-même nous donne l'exemple de cette pédagogie. Il aurait pu imposer aux enfants d’Israël de se diriger directement vers la Terre Promise en passant par le pays des Philistins et les protéger d’une manière miraculeuse, mais D.ieu voulait que son peuple fût formé pour affronter les difficultés de la vie.

En effet, pour quelle raison D.ieu n’a pas engagé Israël dans le chemin du pays des Philistins, bien plus court pour atteindre la Terre promise ? A cette question, bien des réponses ont été données.

Education

La route des Philistins était « proche » "Ki karov hou". En prenant le chemin des Philistins, les enfants d'Israël se seraient rendu compte de la proximité du pays de Canaan et à la moindre occasion, ils auraient été tentés de revenir en Egypte. Les enfants d'Israël n'étaient donc pas encore préparés pour affronter les réalités de la vie. Tel un jeune enfant, le peuple d'Israël avait besoin d’éducation. Rambam insiste sur l'importance de cette préparation. Les Rabbins n’ont jamais imposé au peuple une tradition nouvelle, avant de constater sa disposition à l’observer, suite à une longue préparation des esprits.

Le problème soulevé ici est d'une actualité brûlante. Il touche aux relations entre religieux et non religieux, à l'éducation des enfants dans les écoles et les Talmudé-Torah, mais aussi au rôle du Rabbin dans son approche des exigences religieuses. Il ne suffit pas de penser détenir la vérité pour s'octroyer le droit d'asséner aux autres cette vérité. Il est nécessaire d'y mettre les formes et de savoir préparer les autres à recevoir cette vérité.

Dans la formation des maîtres, on insiste d’ailleurs sur l'importance de la forme aussi bien que sur celle du fond. Le fond et la forme se complètent et s'enrichissent mutuellement, à tel point que pour la tradition, le véritable maître doit "ressembler à un ange de Dieu ". En d'autres termes, la connaissance véritable -le fond- entraîne tout un comportement -la forme- au niveau de l'enseignant lui-même qui doit donner l’exemple. Cette philosophie de l'éducation qui tient compte de la réceptivité de l’enfant, sera sans concession sur le fond pour lui conserver son caractère d’authenticité. Le maître exemplaire, tout en se mettant au niveau de l'élève, s’arrangera pour doter son élève des moyens de progresser dans le domaine de la connaissance sur le plan intellectuel et moral.

Grand Rabbin Jacques Ouaknin.

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