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mardi 18 janvier 2011

Paracha Yitro: l'organisation de la Justice

Dans le monde occidental, on a tendance à confondre amour et justice, régie de vie et organisation sociale. De là à dire que la Torah n'est pas une doctrine d'amour parce qu'elle se préoccupe aussi de justice et de vie sociale, le pas est vite franchi.

Rendre justice doit être une priorité pour l'édification d'une société viable et une société harmonieuse. Le pardon est indispensable. L’homme, à l'exemple de D.ieu doit être bon, patient et miséricordieux, mais le pardon ne peut exister que dans la mesure où la faute a été reconnue et réparée. Le pardon n'intervient qu'après l'exercice de la justice. C’est peut-être la raison qui a présidé à l'Alliance conclue par l'Eternel avec les nations et qui place l'institution des Tribunaux à la tête des sept lois noahides.

Le conseil de Yitro

Il n'y a pas de mots suffisamment puissants et évocateurs pour décrire ce qu'était la personnalité de Moïse, l'homme qui a parlé face à face avec D.ieu, l'homme qui a porté à bout de bras le peuple à la nuque raide. Dans son amour pour les enfants d'Israël, Moïse oublie que la tâche est immense et qu'il risque de succomber sous le poids de ses responsabilités. Cette attitude découle d'un bon sentiment: le souci d'entretenir une relation personnelle et directe avec chaque membre de son peuple. L'idée de se faire assister par des conseillers ne lui vient même pas à l'esprit. Sa conscience lui ordonne de s'occuper lui-même du plus infime détail malgré sa charge surhumaine et en dépit des conséquences pour la vie d'un seul homme, qu'une telle exigence peut avoir.

Yithro, le beau-père de Moïse, est un observateur impartial. Il se rend compte de la charge que Moïse fait peser sur le peuple et lui suggère toute une organisation judiciaire en quadrillant le peuple par la nomination de chefs de mille, de cents, de cinquante et de dix. Les Juges seraient choisis par le peuple et ratifiés par Moïse.

Moïse accepte le conseil de Yithro et le met immédiatement en pratique. Il n'a pas considéré comme un déshonneur ou comme une atteinte portée à son autorité ou à celle de la Torah, le fait d'écouter un conseil judicieux, venant même d'un homme étranger au peuple juif, si l'on estime que la conversion de Yitro n’eut lieu que plus tard.

Des hommes éminents

Pour pratiquer la justice et diriger le peuple d'Israël il est indispensable d'avoir des hommes éminents, répondant aux qualité définies par la Torah «Aneché Hayil, Yiré Elokim, aneché émeth, soné Batsa » - « des hommes éminents, craignant D.ieu, des hommes intègres, ennemis du lucre » Exode 18,21

Aneché Hayil : des hommes vaillants, ayant des vertus de piété et de moralité scrupuleuses, avec un sens de la justice et de l'autorité. Bahya fait remarquer que toutes les qualités exigées d'un dirigeant communautaire sont d'abord d'ordre moral, des qualités de cœur et d'intégrité. D'ailleurs on peut constater que la Torah vante toujours les hommes éminents pour leurs qualités morales et jamais pour leur capacité intellectuelle.

Yiré Elokim : craignant D.ieu. La crainte de D.ieu éloigne l'homme du péché. Le péché crée un écran entre D.ieu et les hommes. L'homme craignant D.ieu est digne de confiance, car il se sait constamment sous le regard de son Créateur. Il ne peut dissimuler un forfait ou simplement une mauvaise pensée. Or pour exercer la justice en toute équité, il est nécessaire de jouer la transparence et de faire constamment référence à la Loi et pas seulement se fier à sa propre intuition. Une justice équitable rendue en toute sérénité, sans aucune pression matérielle ou sociale, ne risque pas d'être corrompue.

Aneché Emet : aimant la vérité. Qu'est-ce que la vérité ? Notion difficile à cerner. La vérité est-elle la réalité ou bien plutôt l'interprétation conforme à l'esprit de la Loi d'un évènement ?

Soné Batsa : ennemis du lucre. Même si l'argent est le nerf de la guerre, le dirigeant idéal doit être détaché des questions d'argent. Seul doit compter l'idéal pour lequel il s'est engagé. C'est pour cela que le choix du peuple doit se porter sur un homme riche, non pas riche de son avoir en banque mais un homme riche de qualités morales.

Moïse n’était-il pas capable de concevoir une telle organisation sociale proposée par Yitro? En réalité Moïse avait même reçu de D.ieu l'ordre de nommer des Juges, mais pris par les urgences du moment, il a oublié d'exécuter cet ordre momentanément. Yitro méritait de donner son nom à cette réforme judiciaire parce qu’il a été le premier à l’exprimer et du fait qu'il a quitté son pays pour rendre, dans le désert, un grand hommage au D.ieu d'Israël.

Grand Rabbin Jacques Ouaknin

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