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jeudi 18 octobre 2007

Chabbat Lekh Lekha


" Va-t'en de ton pays, de ton lieu natal et de la maison de ton père, vers le pays que je te ferai voir ".

Cet ordre célèbre que reçoit Abraham de D... se présente dans un ordre inverse à la logique. Bien évidemment, on sort d'abord de sa maison, puis de sa ville, pour quitter enfin son pays.

Ceci est l'ordre chronologique que tout à chacun peut expérimenter lorsqu'il part en voyage...

Autant remarquer de suite que la structure de la phrase ne nous incite pas à penser qu'Abraham reçoit de D... une invitation au voyage, mais plutôt une invitation à déguerpir, à fuir un environnement délétère pour poursuivre son initiation spirituelle.

Quitter son pays : c'est quitter un lieu auquel on appartient en droit. On peut être citoyen anonyme ou patriote exalté, mais on porte toujours sur sa carte d'identité la mention de sa nationalité. Quitter son pays -s'expatrier donc- peut être plus ou moins douloureux pour sa fibre patriotique. Mais c'est souvent une fuite devant l'oppression ou la persécution (ce qui est aussi d'une certaine manière le cas d'Abraham). C'est souvent une nécessité vitale pour laquelle on a de bonnes raisons.

Quitter sa ville natale : c'est quitter son environnement social, l'espace de la convivialité, ses amis, ses repères, sa synagogue, son école pour un enfant. A cela petit s'ajouter la perte de biens matériels que l'on abandonne. Quitter sa ville natale est un arrachement. A la mélancolie de quitter son pays s'ajoute maintenant la tristesse de la rupture d'avec son environnement de proximité, d'avec la mentalité de son groupe social. Quitter sa ville natale est une mise à l'épreuve de son mental qui devra être capable de remise en question.

Quitter la maison de son père : c'est la séparation la plus difficile, la plus éprouvante dans tous les sens du terme. D'autant plus difficile pour Abraham qu'il a déjà l'intuition des enseignements futurs et que sa foi le laisse convaincu que le respect et l'amour de ses parents est un commandement fondamental. Mais la mutation psychologique d'Abraham ne peut se valider que par cette ultime césure. Ce que D... demande à Abraham est véritablement de couper le cordon ombilical, de quitter Son passé -y compris le plus intime- pour ne plus être tenté d'y revenir. Qui peut se glorifier de n'avoir jamais souffert de " Heimweh " ? C'est en cela que l'expression " va pour toi " prend tout son sens. Abraham, cheminant sur le frêle sentier de la foi, doit y construire sa personnalité, doit quitter non seulement la mentalité de sa ville, mais aussi les stigmates de cette mentalité dont est imprégnée la maison de son père.

D... lui promet alors l'accomplissement de sa propre paternité, au point de lui offrir la paternité d'une nation entière.

Quitter la maison de son père est une mise à l'épreuve de son univers sentimental qui devra être capable de résister à l'aliénation du souvenir et à l'excitation de la recherche.

Signalons par ailleurs que le récit biblique reste assez vague sur le devenir de Térah, le père d'Abraham. Mais il semble bien qu'il fasse partie au moins du début du voyage, formant avec Loth et les épouses un noyau tribal. Bien qu'ayant quitté la maison de son père Abraham n'abandonne pas les siens pour autant.

LEKH-LEKHA : un ordre, une injonction, un conseil ? Une pédagogie de la foi dans l'accomplissement du soi. Un encouragement à la métamorphose psychique qui devrait conduire de l'idolâtrie au monothéisme, de la perversion des valeurs à l'éthique? Pour son bonheur certes, mais aussi, ajoute le texte, pour le bonheur de tous, car " Par toi seront bénies toutes les familles de la terre".

En rap, LEKH-LEKHA se dirait sans doute " bouge-toi de là ", ou encore en rap plus lent: " trouve une bonne raison de secouer les mentalités pour que revienne le temps des sentiments ".
Etude sur la paracha extraite du bulletin de la Communauté Israélite de Metz avec leur aimable autorisation.
Par Chamois

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