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jeudi 24 mars 2011

Paracha Chemini: expiation et réparation

Le jour de Roch Hachana nous proclamons solennellement « Le repentir, la prière et la charité écartent l’arrêt funeste ». Chaque faute entraîne un châtiment de même nature et en proportion avec la faute. Le processus du repentir et de la prière, fait que le coupable n’est plus coupable, c'est un autre homme. Le Ba’al-techouva a résolu ses contradictions et devient par là-même étranger à sa propre faute. Le châtiment concerne donc la personne et non la faute commise. Le péché, une fois accompli, devient indépendant de son auteur et nécessite réparation.

Lorsque Réouven a volé de l’argent à Shimon, il sera jugé et condamné. Il peut lui arriver de regretter d’avoir agi ainsi, de se mettre à jeûner, à prier, à demander pardon à Dieu et promettre de ne plus recommencer. Réouven devient un repentant, un Ba’al-techouva. Il a expié sa faute, mais il ne l’aura réparée que lorsqu'il restituera l’argent volé à Shimon. Il en est ainsi de tout manquement à la Torah, même si nous n'en voyons pas les conséquences, quelque chose a été brisée qui nécessite une réparation de la même nature que la faute. La question est de savoir si cette réparation est limitée dans le temps ou si elle devient une exigence intemporelle, liée à l’objet même de la faute.

Dans notre paracha Chemini " Le huitième jour, Moshé dit à Aaron, à ses fils et aux anciens d'Israël : Prends un veau expiatoire et un bélier pour holocauste " Lév 9,1-4. Le huitième jour dont parle le verset est un grand Jour, le premier Nissan où le Tabernacle est définitivement inauguré.

Avant d'inaugurer l’ère des "sacrifices", Aaron et les enfants d’Israël se voient tout d’abord dans l’obligation de se "purifier" des fautes antérieures en offrant des sacrifices expiatoires. La faute du veau d’or plane encore au-dessus du camp au moment de l’inauguration du Tabernacle. Mais alors pourquoi les enfants d'Israël se voient-ils tenus d'apporter des sacrifices supplémentaires ? Leurs sacrifices auraient dû être identiques à ceux d’Aaron !

En fait, on reproche surtout à Aaron, d’avoir façonné le veau d'or, non de l'avoir conçu, alors que les enfants d'Israël l'avaient réclamé et adoré. C’est pourquoi, au niveau de l'expiation, Aaron offre un veau, car un expiatoire (Hatath) efface une action commise par inadvertance, et sans intention de nuire. Aaron se trouve donc lavé de toute accusation de mauvaise intention. Il est vrai qu’il a confectionné le veau d'or, mais il n'a fait que céder à la pression du peuple. Son intention était pure, il ne cherchait qu'à faire patienter le peuple en attendant le retour de Moïse. Tandis que le sacrifice offert par les enfants d'Israël était une Olah, un holocauste, qui est offert en général pour expier une faute d'intention. En effet, les enfants d'Israël étaient coupables d'idolâtrie. Ce sont eux qui ont réclamé un dieu, ce sont eux qui ont fait pression sur Aaron, et quand le veau d'or fut confectionné, ils joignirent l'acte à la pensée, en l'adorant.

Nature du péché

Tout péché crée une brisure dans le monde et cette brisure nécessite réparation. Le temps n'y fait rien. Même si des siècles passent, ils n'effacent pas le péché qui exige toujours réparation.

La Techouva se manifeste au niveau du coupable. Elle peut différer la sentence ou même l'annuler. Mais les conséquences du péché demeurent tant qu'il n'y a pas eu réparation, car la faute acquiert une certaine indépendance part rapport à celui qui l'a commise. La faute est une "brisure du vase" : même brisé par inadvertance et sans intention de nuire, le vase n’est plus entier. Pour rétablir l’harmonie dans le monde, tout délit entraîne réparation.

Selon un Midrach, les frères de Joseph avaient expié leur crime à travers les sacrifices offerts au cours des générations, mais la "mort" du Juste n'avait pas encore été "réparée". Il a fallu attendre plusieurs siècles pour que cette réparation ait lieu. Cela se passe lors de la révolte de Bar Kokhba, lorsque dix Justes en Israël furent condamnés par les Romains à être brûlés sur le bûcher. Lorsque ces sages se sont réunis pour déterminer quelle pouvait être leur crime pour mériter une telle mort, alors qu’ils avaient consacré toute leur vie à la Torah, il leur fut répondu "de derrière le Rideau céleste" : c'est pour réparer la vente de Joseph par ses frères.

A la lumière de ce Midrach énigmatique, certaines infidélités à la Torah, de peu d’importance à nos yeux parce qu’elles semblent ne concerner que nous-mêmes, sont lourdes de conséquences, et expliqueraient ainsi beaucoup d'évènements tragiques de l’histoire d’Israël! Cependant, personne ne peut s’arroger le droit de s’ériger en juge et de justifier tel événement tragique pour un individu ou pour le peuple d’Israël. Ce jugement appartient à D.ieu seul. Quant à nous, nous devons faire preuve d’humilité en toutes circonstances.

Grand Rabbin Jacques Ouaknin

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