VieJuive : ma seconde communauté !

Maison d'étude (Tora, talmud, halakha, pensée juive...), fêtes juives, cours audio, judaisme francophone, un rabbin vous répond...

vendredi 30 mai 2008

Paracha Bamidbar : la parole

Les 10 Commandements se disent en Hébreu "Asséreth Haddiberoth", c’est-à-dire « les 10 paroles ». C'est par la parole, que Dieu s'est révélé au peuple d'Israël, et pas seulement par des visions et des miracles. La conséquence immédiate est que toute la vie du peuple juif doit être fondée sur la parole vivante et vivifiante de Dieu. La parole divine nous engage. La parole divine demande à être exprimée.

La Fête de Chavouoth

La fête du don de la Torah est l'aboutissement de tout un processus commencé en Egypte à Pessa'h et qui s’achève au pied du Mont Sinaï à Chavouoth. En effet, le but de toute l’aventure divine était ce jour où Israël accepterait la Torah, finalité du monde. Ce but est exprimé dès le récit de la Création du monde dans le livre de la Genèse, où il est écrit "Yom Hachichi", " Le sixième jour » alors que les autres jours sont désignés premier jour, deuxième jour... sans l’article défini. Ce sixième jour en question c'est le six Sivan, jour de la promulgation de la Torah. Pour cette raison, Chavouoth est également appelée "Atséreth", fête de clôture, par rapport à Pessah.

Le lien entre Pessa'h et Chavouoth, abordé à un premier niveau de compréhension, est évident: Pessa'h c’est la libération de l'esclavage qui a permis à Israël de devenir un peuple, et Chavouoth constitue la libération spirituelle de ce peuple, doté désormais d'une constitution, la Torah.

A un second niveau de compréhension, on constate que toute cette aventure d'une horde d'esclaves devenue le peuple de D.ieu, est fondée sur la parole. Le message divin doit transiter à travers Israël pour atteindre toute l’humanité, et ce message est d'abord oral : il doit parler à notre intelligence à notre coeur, à notre sensibilité. La parole du D.ieu créateur se retrouve avec la même force créatrice au niveau de l’homme, fait à l’image de D.ieu.

La bouche qui parle

La fête de la sortie d'Egypte porte plusieurs noms. Le plus courant "Pessah" fait appel à la notion de parole : Pé-ssah, la "bouche qui parle". Le soir du Séder, nous n’accomplissons notre devoir que si nous disons les mots "Pessa'h, Matza, Maror". L’expression de la parole est donc importante. Le message reçu par les enfants d’Israël doit être transmis à leurs descendants, au niveau de la parole en premier lieu. C’est pourquoi dans le Chema il est écrit : Tu enseigneras « ces paroles » à tes enfants, et tu en parleras, à la maison et en chemin, à ton coucher et à ton lever.

La période qui sépare Chavouoth de Pessa'h est appelée du nom de l’offrande que l'on devait "balancer" en la présentant devant l'Eternel. Or, cette mesure du balancement, se dit "Omer Hatenoupha". Les lettres n’étant pas vocalisées dans le Sefer Thora, on pourrait lire cette expression "Ha-tenou- pé" signifiant le « donnez de la bouche » c’est à dire « donner de la parole ». On retrouve cette « bouche » de Pé--ssah et l'obligation de s'exprimer pour transmettre le message divin.

La période de l'Omer est une période de préparation. Elle dure 49 jours, sept semaines entières, pour permettre aux enfants d'Israël de se débarrasser des impuretés contractées en Egypte et de s’élever en sainteté pour être à même de recevoir la Torah. Ce qui caractérise la période de l’Omer, est encore la parole. Chaque soir, nous comptons l'Omer à haute voix, nous comptons le nombre de jours qui nous rapprochent de celui où les dix paroles divines furent promulguées.

Pessah et l’Omer conduisent à la troisième étape: Bamidbar, le désert, lieu inculte par excellence, lieu de la parole. La Torah n'a pas été donnée en Egypte antique, terre d'impureté, la Torah n'a pas été donnée en Eretz Israël, pour ne pas limiter son champ d’application à la Terre Sainte la Torah a été donnée dans le désert, dans le no man's land, pour montrer qu’elle appartient à celui qui se fait semblable à un désert, assoiffé d'eau et de vie. Le Midbar, le désert, de la racine Davar, est donc aussi lié à la parole, cette bonne parole qu'Israël doit annoncer à l’humanité entière.

Le Sefath Emeth compare Pessa'h aux Tefilines du bras, symbole de notre soumission à D.ieu au niveau de notre corps et Chavouoth, aux Tefilines de la tête, symbole de notre soumission à D.ieu au niveau de notre esprit. Chavouoth fait aussi penser à la Chevouah, le serment, la parole donnée à D.ieu, qui engage Israël à étudier, à enseigner et à mettre en pratique cette divine parole. La fête de Chavouoth est donc la fête de l’engagement, au cours de laquelle nous prenons à notre compte le cri spontané de nos ancêtres « Na’assé vénichma’ » « Nous ferons et nous écouterons ». Le geste initiatique de Pessa'h, se retrouve à chaque instant de notre vie : Le geste doit accompagner la parole, mais la parole demeure primordiale. D’où l’expression « Israël, le peuple de l’interprétation du livre ».

Grand Rabbin Jacques Ouaknin

Libellés :